Le couteau corse et son histoire.


La Corse une île agropastorale.

couteau corse le berger

Dans une société telle que la Corse  vivant pratiquement d’agropastoralisme jusqu'à la fin du 19ème siècle, le couteau ne pouvait trouver qu'une place de roi. En effet, chaque insulaire, quelque soit son sexe, se devait d'en posséder un. Le couteau était à la fois un outil et un compagnon pour chaque corse qui travaillait au champs ou qui pratiquait l'élevage. Le couteau corse de cette époque était en général un couteau de poche fabriqué par le forgeron du coin dans le meilleur des cas mais très souvent fabriqué par son possesseur avec les moyens du bord. Ainsi, restes de vieux outils, tirants de maisons anciennes, chutes de bois et cornes de bêtes mortes de maladie ou abattues pour un usage familial servent-ils à confectionner lames et manches sans aucun soucis d'esthétisme. Les seules qualités que devaient avoir le couteau d'alors étaient la robustesse et le mordant de la lame.

Peut on parler de couteau corse ?

couteaux corses, couteau Padovani corne
ci-contre un Padovani corne damas en pièce unique.

Oui et non, en effet, s'il existe une forme plus répandue que les autres du "dit couteau" que l'on nome généralement "Curnicciolu"  littéralement « petite corne », c'est que très fréquemment, vous l'aurez compris, la corne était le matériau le plus usité pour la confection des manches. La corne étant un produit très commun et ne manquant dans aucune région de l'île elle habillait naturellement tous types de lames.Le bois lui était utilisé plus rarement du fait qu'il fallait avant de le travailler, lui laisser le temps de sécher et parce que, pour le travailler, il fallait un outillage spécifique que le berger ou l'agriculteur ne possédait pas forcement. De la pointe ou du corps de la corne s'extrayaient donc la majorité des manches de couteaux. Par digression, le "Curnicciolu"  est devenu dans le vocabulaire courant ; «  le couteau de berger » . Il est cependant faux de prétendre qu'il était l’apanage des seuls bergers, car tout campagnard en possédait un qu'il ne quittait que très rarement car outil de travail et compagnon de casse-croûte.Au demeurant, les autres couteaux fabriqués à cette époque ont exactement le même usage.Notons toutefois, que les formes de ces couteaux varient selon les micro-régions et l'usage pour lequel ils sont destinés. 
couteaux corses, couteau Padovani
Ci-contre un couteau corse bois d'olivier et acier carbone M  Padovani
Ventrus,forgés d'une pièce, manche en corne ou en bois, guillochés ou non, avec ou sans retour de lame, recourbés ou droits, chaque couteau à sa propre spécificité. Il se doit d'être parfaitement adapté à l'usage qui lui sera confié. Les fines lames droites serviront à saigner les porcs et autres animaux domestiques ainsi que le gibiers, les plus arrondies dites « ventrues » seront plus adaptées au dépeçage des bêtes, tandis que les lames recourbées seront selon les régions utilisées pour confectionner « sporte » « fatoghje » et tout autre objet de vannerie en montagne et au ramendage des filets de pêche sur les régions côtières. Les guillochages ne tenaient en rien à amener un aspect esthétique au couteau mais servaient selon leur forme, leur profondeur et leur épaisseur au grattage des greffes, à l'écaillage de poisson ou même de mini lime à bois. Il va de soi que nous parlons jusqu'ici du couteau corse de la pré industrialisation, du couteau corse artisanal.Car depuis les années 1900, il faut compter avec un « autre type de couteau corse », le « couteau corse » industriel importé.

Le couteau corse post industriel

couteau corse vendetta
Entre le début de l'ère industrielle et le "riacuistu" une multitude de couteaux corses fantaisistes virent le jour et inondèrent les marchés locaux et nationaux cristallisant l'image donné par Prosper Mérimée dans "Culomba" ou "Mattéo Falcone" d'une Corse violente et vengeresse en cherche incessante de "Vendetta" ... Le mot était lâché.... Le mot était lâché, en même temps que naissait le couteau corse d'importation...Avec ou  sans tête de maure, avec ou sans inscriptions vengeresses qui la plus part du temps étaient rédigées en idiome italien...Des couteaux corses qui n'avaient de corse que le nom qu'on leur donnait et la pseudo origine que leur producteur leur attribuait...En général ces couteaux étaient fabriqués sur le continent par des couteliers renommés ce qui leur conféraient une solidité et un tranchant qui n'étaient pas négligeables. Aujourd'hui encore certain couteliers continentaux jouissant d'une réputation solide et d'un pignon sur rue incontestable continuent à déverser du couteau corse en veux-tu en voilà dans toutes les échoppes touristiques insulaires ou non d'ailleurs.Couteau qui la plupart du temps est fabriqué en sous-traitance par des usines chinoises avec un acier chinois dont la qualité médiocre n'est plus à démontrer ! Le couteau corse n'est pas un couteau sur lequel il suffit de graver une tête de maure ou un écusson corse mais est un couteau réalisé et conçu par des couteliers locaux avec une qualité et des matériaux qui n'ont d'égal que le talent de ceux qui les forgent. Malheureusement là aussi il faut être méfiant ...Ainsi, la répression des fraudes a-telle contraint certains "pseudos couteliers insulaires saisonniers" à  modifier l'inscription de leur présentoirs en "Assemblé en Corse" au lieu de "Fabriqué en Corse" énorme différence que ne semblaient pas déranger plus que ça les sus-dits "couteliers"... Sachez toutefois que très peu de gens de la profession affublent leur couteau d'une inscription vengeresse, ou d'une inscription de mauvaise qualité qui ne tiendrait pas à l'utilisation ou même d'une tête de maure aux yeux bridés... (http://couteaux-corses.blogspot.fr/)


Le Riaquistu ou l'ère de la réappropriation

couteaux corses, couteau bernet carbone
ci-contre un Padovani corne carbone en pièce unique.

Il y a maintenant une trentaine d'années que les couteliers corses ont décidé de se réapproprier le couteau corse en dénonçant en un premier temps toutes ces impostures et ces contrefaçons, mais surtout en se remettant à produire de manière plus conséquente de façon à faire connaître leur production et à « concurrencer » ainsi les pseudos couteaux corses qui ont envahi et gangrené peu à peu les différentes échoppes touristiques insulaires et même les marchés artisanaux. La concurrence certes ne se fera pas par le nombre de pièces mais par la qualité de ces dernières. Ayant conscience que le seul Savoir-Faire reposait sur leurs épaules, ils ont décidés de ne pas baisser les bras et de ne pas laisser perdre une partie de l'identité insulaire en faisant renaître avec force, passion et amour, le véritable couteau corse. Chacun avec leur style et à leur manière ils ont remis au goût du jour la passion qui sommeillait en chaque corse pour cet objet du quotidien. Le couteau en Corse n'est pas un objet anodin, il fait partie de la vie et à ce titre participait au rite de passage de l' état d'enfant à celui d'adulte. En effet à l'âge de 10 ans, un garçon recevait son premier couteau. Cela lui signifiait qu'on ne le considérait plus alors comme un enfant mais comme une personne sur laquelle on pourrait désormais compter pour aider aux travaux des champs et de l'élevage. En quelque sorte le couteau lui signifiait qu'il venait de changer de statut au sein de la cellule familiale. Les couteliers insulaires ont donc non seulement fait revivre l'objet mais également les rites et les coutumes qu'il véhicule. Certain objecteront qu'aujourd'hui un couteau corse digne de ce nom n'est pas à portée de toutes les bourses et qu'il devient plus un objet de luxe que de travail. A cela nous rappellerons qu'un véritable couteau corse n'est pas usiné et qu' à ce titre il demande des heures de travail et que de surcroît, il se transmettra au même titre qu'un autre objet du patrimoine familial. Tous les couteliers insulaires garantissent leurs pièces à vie et vous assurent l'unicité de celles-ci. En gage de qualité ils signent tous leurs lames vous garantissant ainsi l'authenticité de la pièce acheté. Capables d'innover autant que de faire renaître, de créer que de perpétuer, les couteliers corses offrent aux amoureux de la coutellerie insulaire des pièces uniques dotées d'une âme et d'un caractère qui raviront les passionnés de Vrai. Voici pourquoi entre autre, il vaut mieux attendre un peu pour s'offrir ou offrir une pièce de coutellerie insulaire plutôt que de se laisser tenter par un assemblage made in on ne sait où ...

Et le stylet alors ?

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ci-contre un Padovani étain et carbone en pièce unique.
Le stylet si souvent mis en scène dans des ouvrages de littérature du 19 ème siècle tels que : La Vendetta, roman d'Honoré de Balzac publié en 1830, Colomba  une nouvelle de Prosper Mérimée, parue le 1er juillet 1840 dans la Revue des deux Mondes puis publiée en volume en 1841 chez Magen et Comon, Une vendetta nouvelle de Guy de Maupassant publiée en 1884 comme seul instrument de vengeance et porteur de disgrâce; le stylet est à l'origine une dague de chasse lorsqu'il et forgé d'une pièce, servant à estoquer le sanglier ou le cerf insulaire. Par la suite il deviendra l'arme réglementaire du soldat corse et sera adopté vers les années 1800 comme l'arme de défense de monsieur tout le monde. Vers les années 1900 il devient même un objet folklorique duquel on s'affuble volontiers lorsqu'on s'habille  « à la corse » ou que l'on veut singer les bandits d'honneur.Il est à noter qu'il existe en Corse deux types de stylets : le stylet à la génoise, un seul tranchant et le stylet corse qui lui possède deux tranchants et semble être usité sur l'île depuis plus longtemps.

A l'oeuvre on connait l'artisan.

Jean de La Fontaine