Le stylet en Corse, le couteau corse traditionnel par excellence
Le stylet corse
Ci-dessus un stylet à la corse en acier carbone et empilement de corne de Laurent Bellini
Il nous semble utile en un premier lieu de rappeler que le stylet ,qu'il soit corse ou non d'ailleurs, sert à tuer et non à découper étant une arme d’estoc. Avant le XVI ème siècle, stylet, en Corse, est uniquement taillé d'une pièce forgée qui sert à la chasse au sanglier et au cervidé insulaire.Il semble apparaître sous sa forme actuelle en Corse au début du XVI ème siècle et ce qu'il soit dit « à la corse » ou « à la génoise ». Le stylet dit « à la corse » est un stylet à deux tranchants tandis que le type « génois » lui ne comporte qu'un seul tranchant. Même si ici parler de tranchant est rappelons-le inapproprié.
Stylet corse fabrication
Ci-dessus un clous de charpente forgé 4 faces..
La lame est forgée à la façon d'un clou de charpente à quatre faces, mais dont la tête serait intégrée à la lame. La lame à deux tranchants était réalisée en faisant partir les deux tranchants d’une ligne médiane, ou deux tranchants abrupts partaient d’un plat de lame longitudinal, faisant une pente d'environ 30° sur sa largeur. Le reste étant en ce qui concerne la garde, la soie, ou même le manche de taille et de forme différentes selon le style ou plus exactement la patte du forgeron qui réalise la pièce.
Le stylet : une arme.
Ci-dessus un stylet à la génoise damas de Manu Padovani
Le stylet est l'arme du fantassin qu'il soit mercenaire ou qu'il appartienne à l'armée régulière insulaire. Le soldat le reçoit comme un élément de son armement. Au début il est affublé de deux tranchants puis se transformera « à la génoise » lors des guerres contre Gênes, puis contre la France. Le stylet deviendra par la suite l'arme que tout corse ceindra pour se défendre. Femmes et hommes le porteront à la ceinture et feront de lui leur meilleur allié durant les périodes troubles que traversera la Corse. Notons que les stylets féminins sont généralement un peu plus petits que ceux de leurs compagnons.Cristallisé littérairement au XIX ème siècle dans la littérature romantique française, il deviendra l'objet porteur de malheur et de larmes par lequel s’exerce la fameuse vendetta … Nous le retrouverons entre autres dans les œuvres suivantes :
La Vendetta, roman d'Honoré de Balzac publié en 1830,
Colomba nouvelle de Prosper Mérimée, parue le 1er juillet 1840 dans la Revue des deux Mondes puis publiée en volume en 1841 chez Magen et Comon,
Les Frères corses roman d'Alexandre Dumas publié en 1845
Une vendetta, nouvelle de Guy de Maupassant publiée en 1884
Il est vrai cependant qu'au XVIII ème et au XIX ème siècle, le stylet,était très souvent utilisé par les « bandits d 'honneur » insulaires lors de rixes ou de meurtres. Ce qui fit de lui pour beaucoup « le serviteur du mal ».Diabolisé à tort ou à raison d'ailleurs, le stylet n'en reste pas moins une pièce de coutellerie particulièrement appréciée par les corses.Chaque famille en possède au moins un et le transmet fièrement à sa descendance. Fin XIX ème, début XX ème siècle il fait même partie de la tenue traditionnelle. Dès lors, il servira d'objet d'apparat et on rivalisera pour le rendre le plus travaillé et le plus voyant possible afin qu'il reflète le rang social de son propriétaire.En quelque sorte, il devient le premier objet « Bling-Bling » de la société corse.Il est à noter que c'est à partir de ce fameux stylet corse dit « à la génoise » que les couteliers thierois du XIXème siècle créeront la non moins fameuse « vendetta » inspirée alors qu'ils étaient, par la littérature romantique de l'époque.Le coup de génie étant de rendre ce stylet pliant pour qu'il puisse être transportable et de l'affubler de maximes vengeresses en un idiome corso-italien promettant la mort à l'ennemi. Paradoxe donc puisque c'est à partir du plus corse des couteaux insulaire que naquit le moins corse de tous : la vendetta.
Qui penserait que pour construire un violon, il faut d'abord tracer deux pentagones dans un cercle ?
Stradivarius